Un héritage de courage : l’impact durable de Pascal Kabungulu, 20 ans plus tard


A legacy of courage: Pascal Kabungulu’s enduring impact 20 years later
A legacy of courage: Pascal Kabungulu’s enduring impact 20 years later

Le 31 juillet dernier marquait le 20e anniversaire de l’assassinat de Pascal Kabungulu, ancien directeur général de Héritiers de la Justice, partenaire de KAIROS à l’époque et encore aujourd’hui. À l’époque de son assassinat, je n’étais pas avec KAIROS, mais à travers mon travail avec Héritiers de la Justice, qui œuvre en République démocratique du Congo (RDC), j’ai compris l’importance cruciale de se souvenir de Pascal et de l’appel constant à la justice dans le cadre de son assassinat, pour la lutte contre l’impunité, pour les droits humains et enfin pour la justice en RDC aujourd’hui. Ce billet est basé sur mes échanges et communications avec les membres de Héritiers de la Justice.

Le matin du 31 juillet 2005, dans la paisible ville de Bukavu, au Sud-Kivu, une tragédie frappe. Des hommes armés entrent dans la maison de Pascal Kabungulu Kibembi, alors secrétaire général de Héritiers de la Justice, et mettent fin à sa vie devant sa femme et ses enfants. Il n’avait que 55 ans. Quelques jours seulement après son assassinat, son épouse, Déborah Kitumaini, a elle aussi été menacée et a dû fuir le pays avec leurs six enfants. La famille a fini par se réinstaller comme réfugiée au Canada, où elle vit aujourd’hui et dirige désormais la Fondation Pascal Kabungulu, soutenant les familles des défenseurs des droits humains assassinés en RDC.

Au-delà de son rôle d’activiste et de défenseur des droits humains, Pascal était un père, un mari, un collègue et un ami. Ceux qui l’ont connu se souviennent de son sourire chaleureux, de son sens inébranlable de l’équité et de sa conviction profonde que la justice n’était pas seulement un concept juridique, mais une façon d’honorer la dignité humaine. Il a consacré sa vie à enquêter sur les abus, à révéler la vérité, et à amplifier les voix de celles et ceux réduits au silence par la guerre et l’exploitation.

Un héritage qui perdure

Le travail de Pascal était audacieux et a marqué de nombreuses vies. À la fin des années 1990 et au début des années 2000, alors qu’il était encore dangereux tout comme encore aujourd’hui de dénoncer les groupes armés et les puissants intérêts politiques, il a choisi de mettre en lumière les crimes de masse et les « économies de guerre » prédatrices qui privaient les civils de leurs droits et de leurs moyens de subsistance. Pour lui, le silence n’était pas une option.

Malheureusement, son courage a fait de lui une cible. Son assassinat visait à réduire au silence Héritiers de la Justice et à intimider toute une communauté de défenseurs des droits humains. Pourtant, deux décennies plus tard, son nom continue d’inspirer. De jeunes activistes à Bukavu et au-delà regardent encore son histoire comme la preuve que la détermination d’une seule personne peut renforcer tout un mouvement.

Une délégation de KAIROS en RDC et des
représentants d'Héritiers de la Justice visitent la tombe de Pascal Kabungulu en
2013.
A KAIROS delegation to the DRC and representatives from Héritiers de la Justice, visit the grave of Pascal Kabungulu in 2013.

La blessure de l’impunité

Malgré cette résilience, justice n’a jamais été rendue. Des suspects ont été arrêtés, mais les procès ont été suspendus, puis oubliés. Vingt ans plus tard, sa famille vit toujours avec des questions sans réponse, tandis que les suspects de ce crime et de bien d’autres continuent de circuler librement.

L’histoire de Pascal n’est pas un cas isolé. D’autres défenseurs des droits humains, tels que les journalistes Serge Maheshe (2006) et Didace Namujimbo (2008), l’activiste Floribert Chebeya (2010), et bien d’autres encore, ont subi plus récemment le même sort. Chaque nom rappelle que défendre les droits humains en RDC comporte encore aujourd’hui des risques insoutenables.

Choisir de se souvenir

Héritiers de la Justice refuse de laisser la mémoire de Pascal s’effacer. Ses membres m’ont confié : « Pour nous, il n’est pas seulement une victime. Il est un symbole de ce que signifie défendre la justice, même lorsque le prix à payer est élevé. »

C’est pourquoi, à l’occasion de ce 20e anniversaire, ils renouvellent leur appel à renommer une place publique proche de son domicile « Place des Défenseurs des Droits Humains et des Journalistes », en hommage permanent à Pascal Kabungulu à Bukavu. Selon Héritiers de la Justice : « Un tel mémorial honorerait Pascal et toutes celles et ceux qui ont payé de leur vie pour avoir dit la vérité. »

Pourquoi cela compte aujourd’hui

Héritiers de la Justice a insisté sur l’importance de la mémoire de Pascal aujourd’hui :

« Se souvenir de Pascal, ce n’est pas seulement regarder en arrière. C’est avancer, lutter pour l’avenir que nous voulons en RDC. Nous devons bâtir une nation où les défenseurs des droits humains ne sont pas réduits au silence, mais où leurs voix et leurs actions sont protégées et célébrées. »

L’histoire de Pascal nous rappelle qu’en toute circonstance, une justice retardée est une justice refusée. Mais son courage nous rappelle aussi que le changement est possible et qu’il nous inspire à exiger la justice et à protéger celles et ceux qui défendent les droits de tout un chacun.

Vingt ans ont passé depuis son assassinat, mais son héritage reste vivant dans le cœur de sa famille, de ses collègues et des innombrables jeunes défenseurs qui poursuivent son combat. Comme le disent ses amis et collègues à Héritiers de la Justice : « L’honorer, c’est le voir, le célébrer et continuer d’exiger ce en quoi il croyait : la vérité, la justice et la dignité pour toutes et tous. »

Par Danielle Kamtié, coordinatrice du programme partenariats Afrique et justice climatique mondiale


Filed in: Global South, Human Rights

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